Recruter un apprenti en situation de handicap peut poser question, surtout lorsque l’on est peu familier avec ce contexte. Pourtant, il s’agit avant tout d’un recrutement qui répond à un besoin professionnel. Dominique Ledogar, chef du service qualité de l’Apprentissage et soutien aux employeurs à la région Île-de-France, nous partage sa vision et ses conseils avisés.

Embaucher un apprenti en situation de handicap : pourquoi pas vous ?

Lorsque l’on accueille un apprenti en situation de handicap, cela un implique un contrat aménagé. Est-il très différent d’un autre ?

Non, ça n’est pas très différent. D’un point de vue technique, un contrat aménagé dans l’apprentissage ne comporte pas de limite d’âge, contrairement aux autres publics. Au niveau de la durée du contrat, c’est exactement les mêmes règles pour tout le monde, même si des aménagements individualisés peuvent se mettre en place en fonction des situations.

Bien sûr, cela implique que la personne soit reconnue « travailleur handicapé ». Pour obtenir cette reconnaissance, il est préférable d’accompagner la personne, mais il existe des partenaires pour accueillir les publics en recherche d’information sur le handicap. Quant aux CFA, nous y avons désormais un référent « handicap » dans chaque centre, capable d’orienter les publics en fonction de leur handicap. Ce référent est tenu de connaître notre « kit handicap » où toutes les informations sont actualisées. Ce domaine d’action est donc très organisé chez nous aujourd’hui.

Qu’est-ce qui peut-être mis en œuvre en termes d’aménagement de formation pour que l’apprenti puisse continuer à progresser comme tout le monde ?

Il y a ce qu’on appelle la compensation. Ce sont des aménagements pédagogiques, temporels, logistiques et matériels. En fait, toutes sortes d’aménagements sont envisageables, financés par l’Agefiph. Bien entendu, il faut étudier les situations au cas par cas, en fonction du handicap et des besoins de l’entreprise. À noter par ailleurs que le handicap peut être visible ou non. Les aménagements peuvent être minimes. On pense à tort aux fauteuils roulants dès que l’on prononce le mot « handicap ». Or, les handicaps moteurs ne constituent que 13 % des cas et les personnes en fauteuil roulant… 3 %.

Que peut faire l’entreprise pour bien accueillir l’apprenti en situation de handicap ?

Je pense que l’on peut changer de regard et d’approche face au handicap. Nous, notre démarche, c’est d’inverser la question. C’est-à-dire qu’on préconise un accompagnement des publics qui va aborder l’entreprise d’une façon différente, et augmenter les chances d’obtenir sa confiance. Comment ? En amenant la personne à identifier les besoins immédiats de l’entreprise, par un questionnement précis préparé avec ses accompagnateurs, et en basant sa candidature sur ces besoins.

L’objectif est simple : placer la personne en situation de projection sur des réponses à des besoins réels et immédiats de l’entreprise, ce qui permet de relativiser les critères de sélection habituellement basés sur le handicap, en mettant en avant la capacité et l’envie de répondre à des besoins immédiats bien identifiés.

C’est l’inverse d’une démarche classique, qui aboutit le plus souvent à un malentendu très contre-productif : recruter des personnes en situation de handicap « parce que c’est la loi et parce que c’est bien ». Le but n’est pas de cacher le handicap à l’entreprise, mais de montrer qu’il constitue un critère minoritaire dans le choix du recrutement, loin derrière la capacité et l’envie d’anticiper et de répondre à des besoins immédiats.

Une entreprise préfère être dans ce registre pragmatique que dans l’injonction et dans la moralisation. Et les personnes en situation de handicap aussi.

Il y a encore des réticences dans le milieu professionnel ?

Oui, bien sûr, plus ou moins explicites. Le handicap est un sujet comme un autre, mais il est pourtant mal accepté. Aborder le handicap de façon professionnelle, sans y être amené par des raisons personnelles et affectives (être touché directement, par exemple), c’est encore trop rare, mais indispensable. Le débat sur le handicap peine à s’affirmer, c’est un sujet que l’on moralise tout de suite. On dérive vite vers les « il faut », « c’est comme ça », « c’est bien », « c’est pas gentil ».

On ne dit pas qu’il ne faut pas une dimension morale à la fin, ou qu’il ne faut pas invoquer la loi, bien sûr que non. Mais ne jouer que sur ces leviers entraîne des réticences. Quand vous voulez faire passer un changement avec de la culpabilisation, vous entraînez une majorité de réticence, une apparente acceptation avec une majorité de cynisme et d’hypocrisie sur le sujet. Cela devient une corvée, une chose à éluder.

Se baser sur des critères professionnels, sur l’envie d’agir concrètement sur les besoins immédiats de l’entreprise évite cela.

Y a-t-il des aides qui existent pour l’entreprise qui décide d’embaucher un apprenti en situation de handicap ?

Des aides existent, oui. Mais là encore, il ne faut pas confondre l’aide d’incitation (une prime pour l’embauche d’une personne handicapée dans son entreprise, par exemple), et la compensation, qui répond objectivement à une difficulté, à un surcoût bien identifié.

Dans le cadre d’un projet professionnel, recruter un apprenti en situation de handicap donne droit à des aides selon le contexte. Mais ça ne sert à rien de prendre quelqu’un qui ne va pas répondre aux besoins simplement pour « faire sa b.a. » et/ou obtenir une prime. Le mieux, c’est de réaliser un contrat très clair dès le début, en identifiant les besoins immédiats (et aussi à plus long terme) de l’entreprise, de fonder le recrutement et la formation alternée sur ces éléments fondamentaux.

L’approche que nous préconisons a le mérite de placer cela dès le départ. Publics, CFA et entreprises, ensemble pour répondre à des besoins immédiats, c’est encore la méthode qui fonctionne le mieux pour amorcer de façon optimale l’intégration des publics les plus fragiles, mais les plus enrichissants pour l’entreprise…

Besoin d’accompagnement face au tutorat d’apprenti ? Parlons-en !

Merci à Dominique Ledogar pour son témoignage.

Crédit photo : Freepik