Vous êtes tuteur ou maître d’apprentissage et vous vous demandez quelles relations vous devez avoir avec l’école de votre alternant ? Vous n’avez pas de contact. Ne laissez pas traîner la situation. Agissez vite !

La relation triangulaire, clé de la réussite

L’école et l’entreprise sont deux partenaires de l’alternance qui souvent se connaissent mal. L’école prend en charge les questions pédagogiques (cours, diplômes) tandis que l’entreprise s’occupe de l’activité professionnelle (métiers, fonctions, missions). Le propre de l’alternance, qui est clairement défini dans la loi, est pour l’alternant d’apprendre un métier, de découvrir le monde de l’entreprise avec une partie théorique et une partie pratique. Je ne dis pas que les partenaires ne travaillent pas ensemble ou que les relations soient mauvaises. Non, je dis que cette relation n’est pas toujours très fluide au détriment des alternants et que chaque entité doit tout faire pour garantir la bonne communication.

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La relation entre l’entreprise et l’école est fondamentale pour que l’alternance se passe dans les meilleures conditions possibles. Qu’est-ce qui explique que ces relations ne soient pas plus fluides en général ? L’entreprise est un lieu de production, l’école un espace pédagogique. L’alternance est un système qui permet d’acquérir des apprentissages dans deux lieux. Ces deux lieux sont étroitement liés par des apprentissages qui s’enrichissent, se complètent et se nourrissent.

L’alternant passe d’un lieu à l’autre de façon discontinue et ses savoirs théoriques et pratiques s’ajustent, s’affinent tantôt en découvrant la théorie, tantôt en se confrontant à la pratique. Les apprentissages dans ces deux sphères sont indissociables. C’est précisément l’objectif de l’alternance, son essence même, sa raison d’être.

Certaines écoles remplissent très bien cette obligation. Mais dans de trop nombreux cas, il faut le déplorer, cela ne fonctionne pas. Comme si chacun vivait dans le déni de l’existence de l’autre et entretenait ses propres méconnaissances. Entre l’école et l’entreprise, il y a parfois un monde fait d’incompréhensions, de silences, de fausses représentations et tout cela ne va pas toujours dans le bon sens. Comment faire vivre cette relation ?

Les outils relationnels

Les entreprises n’ont pas toujours conscience de la place centrale que représentent les aspects pédagogiques dans l’alternance. Les tuteurs manquent d’informations et s’en remettent à leur alternant pour en obtenir… qu’ils ne possèdent pas toujours. La construction d’un programme de montée en compétences doit se faire avec la connaissance du programme pédagogique qui n’est pas toujours possédé par les tuteurs. Comment l’obtenir ? Il peut être fourni par l’école et vous pouvez aussi le trouver sur internet.

Le rôle de l’école est de construire la relation avec l’entreprise. Certaines écoles sont au rendez-vous de cette mission qui se traduit par une réunion d’information de rentrée, la nomination d’un tuteur pédagogique qui procède à une ou deux visites annuelles, la sollicitation du maître d’apprentissage en tant que membre du jury lors de la soutenance finale, un carnet de liaison de plus en plus souvent dématérialisé pour garder le lien toute l’année. Cette activité d’information et de communication prend du temps, de l’énergie et représente un coût pour les écoles qu’elles ne sont pas toujours prêtes à investir car elles doivent rémunérer les enseignants pour déployer leur fonction tutorale (prises en charge possible par les OPCO).

Le recrutement de l’alternant.

Le premier contact école-entreprise se prend souvent au moment du recrutement par les services concernés et les tuteurs ne sont pas toujours associés. De bonnes relations écoles-entreprises sont un gage d’efficacité. Lorsque les écoles entretiennent un réseau avec des entreprises, elles peuvent être en mesure de proposer des candidats.

Certaines entreprises ont l’habitude de travailler avec les écoles qui connaissent leurs métiers. Des conventions de partenariat peuvent être mises en place. Mais encore faut-il qu’elles aient une bonne connaissance des postes de travail et des compétences requises pour les occuper. L’école peut faire beaucoup pour l’entreprise à condition que chacun s’investisse dans la relation. C’est un choix que font nombre de DRH. Quant au diplôme, il n’est pas toujours facile pour l’entreprise de savoir quel est le «bon» diplôme dont elle a besoin.

Pour un opérationnel, ce peut-être un Bac + 2, une licence ou un bachelor, pour quelqu’un d’autonome qui conduirait un projet complexe, un master serait préférable. Ce travail de réflexion doit se faire en amont avec tous les acteurs, tuteur, manager, RH et l’école.

La montée en compétence à partir des deux référentiels

Les tuteurs n’ont pas toujours connaissance du programme pédagogique. Lorsque l’alternant arrive dans le service, l’équipe le considère comme un salarié junior. La nécessité de le monter en compétences en tenant compte d’un programme pédagogique n’est pas toujours un sujet central. Or, comment lui proposer des activités en lien avec le diplôme si l’on n’a pas le référentiel de formation ? Le tuteur doit être équipé du référentiel métier et du programme pédagogique.

Le carnet de liaison ou livret d’apprentissage

Les écoles mettent en place un lien qui se formalise par un livret de suivi ou carnet d’apprentissage ou qui peut porter tout autre nom. Jusqu’alors, ce document avait la forme d’un livret papier format A4 dans lequel on trouvait des informations générales : rôle du livret, présentation des différents acteurs (apprenti, employeur, formation, équipe pédagogique…) et leurs coordonnées.

On y trouve également des informations pédagogiques : emploi du temps et calendrier des cours, résumé du programme pédagogique, progression du travail avec un parallèle établi entre théorie (au CFA) et pratique (en entreprise). On peut aussi y découvrir un espace dédié au suivi de l’apprenti : bilans intermédiaires, appréciations, évaluations, mais aussi informations sur le diplôme, les examens passés et leurs résultats

Cet outil très utile, chargé de créer véritablement un pont relationnel, s’est peu à peu dématérialisé. Les écoles transmettent dès la rentrée un code d’accès à un extranet et avec un mot de passe, le tuteur ou le maître d’apprentissage peut accéder à ces informations.

Le projet, le mémoire et la visite du tuteur pédagogique

Le projet est un travail à réaliser par l’alternant pour valider sa période en entreprise. Selon les niveaux de diplôme et selon les écoles, il peut prendre différentes formes. Simple rapport de stage, il peut aussi prendre la forme d’un travail de recherche approfondie allant jusqu’à la mise en œuvre d’actions complexes durant toute une année.

Pour valider le projet, le tuteur pédagogique se rapproche de l’entreprise. Ce projet fait l’objet d’un mémoire et d’une soutenance. Le rôle du tuteur ou du maître d’apprentissage est de donner à l’alternant tous les moyens dont il a besoin pour réussir: temps, réseaux, outils, documentation, accès informatiques, etc. En aucun cas il ne devra le réaliser lui-même. Il ne fait pas à la place de son tutoré. Le moment le plus propice pour le réaliser se situe entre janvier et juin pour une soutenance en septembre. Il est important d’établir un calendrier de suivi et de s’y tenir. Il arrive souvent que le projet soit mené au dernier moment (en juin par exemple) et il est alors difficile d’aider l’alternant par manque de temps.

Le mémoire est la trace écrite du projet. Sa rédaction répond à une forme et un contenu imposé. Il sera lu par tous les membres du jury. C’est à la fois le travail du tutoré dont l’enjeu est de taille puisqu’il y va de la validation de sa période en entreprise, et celui de l’école à travers le tuteur pédagogique. Alors, quelle est la place du tuteur ou du maître d’apprentissage dans cet exercice ? Certains d’entre eux laissent du temps pour la rédaction du mémoire sur le temps de travail. D’autres pas. C’est à l’entreprise de donner les règles, mais il n’y a pas d’obligation à laisser rédiger le mémoire au travail. L’alternant peut le faire sur son temps libre, le soir, le week-end, pendant ses congés.

Certains tuteurs lisent et relisent le mémoire, voire le réécrivent. Un mémoire mal rédigé risque d’être rejeté à la soutenance et un mémoire truffé de fautes d’orthographes fait mauvaise impression. L’ère numérique a modifié la sphère du langage. Les abréviations et le langage SMS font partie du quotidien numérique de la génération Z qui utilise de plus en plus la technologie vocale des ordinateurs. Technologie qui ne rédige pas encore de mémoire mais qui facilite la réponse aux questions et la rédaction directement sur Word grâce aux applications de dictaphone. Un tuteur ou un maître d’apprentissage qui relie les écrits et aide à la rédaction, c’est toujours mieux. C’est au jeune alternant de se prendre en main et au tuteur pédagogique de faire le nécessaire.

Être présent à la soutenance

En tant que tuteur d’entreprise, devez-vous participer à la soutenance ? Certaines écoles invitent les tuteurs à faire partie du jury. Les jurys sont composés a minima du tuteur pédagogique, du maître d’apprentissage et d’un président de jury (qui est souvent un autre professeur) qu’on nomme parfois le candide.

Si le maître d’apprentissage ne peut pas se rendre à la soutenance, il est conseillé qu’il soit remplacé par un autre salarié, tuteur de compétences ou manager qui connaît bien le jeune alternant. De nombreux tuteurs sont heureux d’être sollicités, ils se sentent pleinement investis dans leurs responsabilités. Une bonne préparation à la soutenance est souhaitable.

Quelques semaines avant le jour J, le tuteur ou le maître d’apprentissage va rassembler l’équipe pour permettre au tutoré de réaliser une soutenance à blanc. L’équipe jouera les évaluateurs avec une critique bienveillante et sera force de propositions d’améliorations. Il est conseillé de renouveler l’opération autant de fois que nécessaire. Certains tutorés sont habitués à présenter leurs travaux devant l’équipe, et la prise de parole en public est plus facile. Cet excellent exercice renforce la communication orale.

Lors de la soutenance, le tuteur ou le maître d’apprentissage doit évaluer les résultats de son tutoré. Il est «normal» qu’il soit sensible aux critiques exprimées par les membres du jury qu’il trouve souvent trop sévères, trop théoriques ou trop éloignées du monde réel de l’entreprise. Parfois il peut avoir l’impression que c’est son travail qui est évalué. C’est un peu inconfortable et c’est une erreur. Au moment d’attribuer des notes, le contexte scolaire se fait vraiment sentir. La note est l’apanage de l’école et les tuteurs s’interrogent beaucoup sur leur capacité à « bien noter». On note peu en entreprise, on évalue plutôt.

Lors de la soutenance, si le tuteur estime que la note proposée est trop faible, il essaiera de la faire remonter mais les enseignants ont souvent le dernier mot. La soutenance, c’est l’exercice scolaire par excellence et, pour le tuteur, c’est un peu comme un élastique qui réveille une situation passée plus ou moins bien vécue.

Cette relation école-entreprise s’entretient. Elle n’est pas tout à fait « naturelle » et pourtant l’alternance n’existe pas sans ce lien. A chacun d’en prendre conscience et de prendre le temps nécessaire à sa réalisation.

Article rédigé par François Gabaut, PhD et formateur-conseil depuis plus de quinze ans. Nourri par la ProcessCom, certifié en Analyse Transactionnelle et spécialiste des enjeux liés au tutorat, il signe son troisième ouvrage sur le sujet « Réussir sa mission de tuteur » InterEditions-Dunod, Paris 2021.