Anticiper les besoins des entreprises, apprendre avec plaisir, s’épanouir grâce à ses connaissances… La pédagogie proactive est en train de bousculer les idées reçues sur l’enseignement et l’apprentissage. En cette rentrée, Dominique Ledogar publie Apprentissage : ce que veulent les jeunes et les entreprises, un ouvrage qui explique avec précision les résultats de cette méthode basée sur la bienveillance et l’égalité des chances, la curiosité intellectuelle et la faculté d’anticipation à court terme.
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Dominique Ledogar, comment vous êtes-vous intéressé à la pédagogie de l’alternance ?
La pédagogie proactive est née dans les années 90 dans le Lot-et-Garonne, lorsque j’ai commencé à travailler à la Chambre de Métiers d’Agen et en sciences de l’éducation à l’Université de Toulouse – Jean Jaurès. En apprenant à former en alternance et en observant ce qui existait, je me suis aperçu qu’il y avait peu – voire pas du tout – de lien concret entre les besoins des entreprises et la formation. En étant confronté à des personnes qui avaient des difficultés pour apprendre, j’ai donc orienté mon travail autour de ces questions : comment apprend-on ? Comment se motive-t-on pour apprendre ?
Selon vous, la motivation est donc un sujet central dans la pédagogie ?
Oui : à partir du moment où la motivation est présente, tout devient possible pour n’importe qui. Le réel est un levier indispensable pour apprendre. Je cite le poète René Char au tout début de mon ouvrage : « Le réel quelquefois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit. »
Cela s’applique parfaitement à la formation : pour permettre aux apprentis de réussir, il est important que les accompagnants aient conscience de cela, qu’ils connaissent leurs objectifs et qu’ils sachent comment les utiliser pour dynamiser la formation.
Sur quelles recherches vous êtes-vous appuyé pour écrire ce livre sur la pédagogie proactive ?
J’ai utilisé les travaux de Jean Piaget et d’autres pédagogues classiques pour comprendre que « l’on apprend en faisant ». Et que si l’on n’applique pas rapidement au réel ce que l’on apprend, on l’oublie très vite.
Par exemple, si vous apprenez une liste de 25 noms sans savoir pour quelle raison, ces derniers disparaîtront vite de votre esprit. En revanche, si vous interagissez avec 25 jeunes, vous retiendrez facilement leurs noms. Grâce à mes recherches et à l’expérience, j’ai aussi constaté que l’on apprend mieux lorsque le sujet est choisi.
Pourquoi certains jeunes n’ont-ils pas envie d’apprendre ?
Principalement à cause d’une double démotivation. Aujourd’hui, les programmes sont écrits, donc le jeune ne décide de rien, et ils ne sont pas appliqués concrètement… ou pas assez vite. Au contraire, un système dans lequel le jeune a l’impression de décider et peut appliquer rapidement la théorie est deux fois plus motivant.
C’est là que la méthode proactive entre en jeu : au lieu de commencer par apprendre avant de pratiquer, on repère des besoins à court terme et on acquiert rapidement une connaissance dédiée à la situation imminente. Dans l’alternance, cela revient à trouver les besoins d’une entreprise et à apporter des connaissances à l’apprenti pour qu’il puisse y répondre avant d’élargir ses acquis.
Finalement, la pédagogie proactive est une manière d’apprendre qui semble logique. Pourquoi n’est-elle pas plus utilisée ?
C’est surtout grâce à la psychologie sociale que l’on comprend pourquoi cette méthodologie n’est pas suffisamment utilisée : il y a de nombreux rapports de force, des idéologies et des clichés qui persistent vis-à-vis des enseignants et des entreprises.
Par exemple, « les besoins immédiats des entreprises enferment le savoir dans des connaissances réductrices », ou « les formateurs sont incapables de comprendre les contraintes de production des entreprises ». Cependant, cette méthode proactive est parfois mise en place par des formateurs, simplement par bon sens.
Quel a été l’impact de l’ANAF et de Proactive Academy dans la diffusion de ces idées ?
Dès sa création, l’ANAF a souhaité que la formation en alternance soit la plus performante possible. En se rapprochant de la région Île-de-France, ses membres ont estimé que la pédagogie proactive était très bénéfique pour les jeunes et ont revendiqué sa généralisation.
Ensuite, Proactive Academy a développé cette méthode pour aider les jeunes à bien se former et à trouver des entreprises, puis elle a proposé des formations de formateurs de l’alternance. C’est aujourd’hui un acteur qui met rigoureusement en pratique le modèle et qui l’enrichit, comme le font également certains CFA.
J’espère que d’autres acteurs rejoindront très vite ces pionniers pour accélérer la diffusion de la pédagogie proactive et la faire évoluer.
Qu’est-ce que votre nouveau livre sur l’apprentissage va apporter aux structures de formation ?
Pour les CFA, par exemple, l’intérêt est de bien maîtriser ce qu’ils sont en droit de demander en matière d’accompagnement sur la qualité de l’alternance, qu’ils s’adressent à Proactive Academy ou à un autre prestataire. Aujourd’hui, selon moi, une formation de formateur de l’alternance qui ne prend pas en compte les besoins imminents des entreprises limite sa performance et compromet le développement de l’apprentissage.
L’enjeu n’est pas la démarche proactive mais la performance de la pédagogie de l’alternance et de l’apprentissage. Les prestataires de formation qui sauront intégrer dans leur ingénierie les besoins imminents des entreprises seront tout simplement les plus efficaces.
Pour tous les bénéficiaires de la formation professionnelle, le but est de débloquer une situation devenue absurde : il est urgent de généraliser une méthode qui motive et qui passionne les jeunes. L’apprentissage deviendra enfin un plaisir systématique, tout au long de la vie.
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Un grand merci à Dominique Ledogar pour avoir partagé son expertise sur le sujet.
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